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IDATE : prédictions pour le digital en 2025 – Digiworld Yearbook 2016

S’il y a un rapport que je ne rate jamais, c’est bien celui de l’ IDATE, alias le Digiworld Yearbook, qui décrit le monde du digital dans son ensemble : IT, Telecom, Médias et Internet. Ce rapport donne chaque année les tendances importantes à retenir et cette année ne fait pas exception à la règle.

IDATE dresse son portrait annuel du paysage digital dans le monde à horizon 2025

Le rapport 2016 (publié en juin et que je n’ai malheureusement pas eu le temps de commenter avant aujourd’hui) dresse un panorama excessivement complexe de la situation du digital à horizon 2020-2025. Ceci en soi n’est pas étonnant, et est en phase avec la situation du moment qui amène les acteurs du marché à naviguer à vue dans des marchés de plus en plus difficiles à décrypter. En d’autres termes “plus personne ne comprend plus rien à ce marché”. Ce n’est pas moi qui le dit, mais un de ses acteurs, qui a une longue expérience du métier. Pourtant, ce n’est pas tellement que l’innovation soit florissante (la question de l’ IDATE sur l’après Smartphone est intéressante), mais surtout que les questions s’entremêlent dans un environnement où des acteurs puissants s’affrontent, avec des visions du monde extrêmement divergentes. L’ IDATE en rend compte au travers de 7 questions et 4 scénarios. Je vous livre ici mon analyse de ce rapport que l’ IDATE a eu la gentillesse de me faire parvenir, avec la complicité de mon amie et consœur Marie Laure Vie.

Rappelons que vous pouvez obtenir le rapport complet Yearbook 2016 ici auprès de l’IDATE sur son site.

Les 7 boules de cristal de l’ IDATE

Les 7 questions de l’IDATE en forme de résumé de leur rapport 2016 sont particulièrement bien ciblées et décrivent un monde digital en pleine révolution mais qui en même temps, se cherche dans beaucoup de domaines (je rappelle que l’intérêt de ce rapport annuel est de mixer les vues de différentes filières du digital, avec subtilité et sans amalgames, notamment la différence entre les acteurs de l’Internet et les opérateurs).

Les 7 questions de l'IDATE 2016

  • Premièrement, un sujet sur lequel je reviens sans cesse, la course au monopole des plateformes qui s’est rendu particulièrement présent ces derniers mois et années. L’économie du partage (sharing economy) est devenue une économie sans partage. A la manière de la chute brutale de Viadeo, le monde du partage est cloisonné par spécialité autour de quelques champions qui sont tous devenus incontournables dans leur domaine : Sur chacune des catégories, un leader émerge qui prend (presque) toutes les parts du marché selon la règle édictée par Seth Godin « The winner takes almost all ». Les enjeux ne sont pas neutres, cela a un impact sérieux sur la net neutralité. Et même si ce thème peut paraître lointain à certains utilisateurs, l’arrivée de certains leaders politiques remet ce sujet sur le tapis.
  • Stagnation séculaire vs. Innovation digitale est un sujet que nous avons déjà abordé ici sous un angle peut-être particulier. Deux thèses s’affrontent. D’une part celle des négativistes qui prétendent que le digital n’a pas eu d’impact sur la productivité. L’autre, celle des positivistes qui avancent que la solution à tous nos maux passe par le digital. Et nous n’avons pas fini de voir ni d’entendre des débats sur ce thème pendant la campagne qui s’annonce, avec d’une part les apôtres de la ré-industrialisation et d’autre part les avocats du tout service et de la division des compétences des pays à la Ricardo. Le sujet est d’importance mais encore faudrait-il opposer deux phénomènes qui n’ont pas forcément à être opposés.
  • Troisièmement, la recherche du graal du tiers de confiance est repartie avec l’arrivée de la blockchain, qui occupe une bonne partie du monde financier, entre fascination port une panacée au problème de la fraude et de la confiance, et peur de se faire désintermédier. La crainte (j’aime bien le « désespérément » du rapport) n’est pas neutre dans une profession où les risques encourus du fait de la vague digitale sont non négligeables. Encore que ceux-ci étaient prévisibles depuis longtemps, les métiers restent rarement pendant des décennies sans bouger. Heureusement.

  • Ensuite, l’arrivée de nouveaux pays dans la course au digital. La Chine et l’Inde ce n’est pas complètement neuf (sauf le fait que l’Inde va dépasser la Chine en nombre d’habitants) mais aussi et surtout l’Afrique. La question du développement de ces zones reste cependant posée, elle l’est depuis de nombreuses années. Elle n’est pas simple et souvent empêchée par des complications importantes dans le domaine des infrastructures, notamment en Inde.
  • Le point suivant, c’est la confusion qui règne sur le marché des télécoms. C’est le moins qu’on puisse dire, depuis quelques années on a droit à l’inverse et son contraire. Arrivée de nouveaux concurrents, puis concentration puis déconcentration (à ce sujet l’évolution du paysage mobile au Royaume Uni est saisissant). Achat de sociétés de contenu pour monter dans la valeur dans les années 2000 puis désinvestissement puis réinvestissement (ceci au moment-même où on parle de rachat de Canal+ par Orange mais surtout de la fusion, qui n’aura peut-être pas lieu, entre ATT et Time Warner).  De même, le rachat récent de Yahoo par Verizon a montré qu’il ne fallait pas enterrer les opérateurs de télécom trop vite (ceci alors même que Verizon se relève de presque une année de grève très dure dont on n’a pas parlé de ce côté-ci de l’Atlantique).  il est donc assez difficile de voir où tout cela va nous mener. Ce qui est certain, c’est que les OTT ont fait beaucoup de mal (ou ont fait peur, ou les deux ?) aux opérateurs qui cherchent leur nouveau business model. Ceci n’est peut-être pas si grave que l’on pourrait croire, et n’implique pas a priori pour l’instant de clauses de survie, mais certainement une certaine confusion. Le récent rachat de EE par British Telecom est aussi significatif d’une sorte de retour vers le futur avec le retour en grâce des historiques. En même temps, le schéma ci-dessus le montre clairement, la voix devient minoritaire et les télécoms servent de plus en plus d’autoroutes à des véhicules qui ne font que passer sur leurs infrastructures. J’avais déjà souligné ce fait dans une analyse plus détaillée des défis des télécoms.
IDATE : les telecoms sous pression
  • Sixième point, l’Internet des objets ne cesse de faire parler de lui depuis 10 ans au moins (j’avais organisé un grand raout avec Rafi Haladjian sur ce sujet en 2010, au sommet de la folie IOT et M2M), mais avec des succès variables. Les percées remarquables ces dernières années dans l’utilisation personnelle des technologies machine to machine ne semble pas perdurer et les concentrations chez les acteurs de ce marché confirment des mouvements complexes. L’usage individuel semble aussi cacher le véritable enjeu de l’IOT, dans le domaine industriel et business-to-business.
  • Il est vrai que les médias, et le grand public, les deux vont de pair, sont peu attirés par le business to business et le monde industriel. Et pourtant c’est bien là que ça se passe, notamment en termes d’innovation. L’ IDATE confirme ce point que nous ne manquons jamais de soulever. Pour les citer « l’Internet industriel est une véritable lame de fond qui devrait rebattre les cartes dans les différents écosystèmes industriels ». Derrière ces usines connectées et l’énigmatique industrie 4.0, se cache aussi ce que l’ IDATE appelle « servicisation » de l’industrie. Une véritable révolution industrielle en somme, pas tout à fait en phase avec les antiennes entendues sur les bracelets et lunettes connectés et autres gadgets, et qui a le mérite de remettre les vrais sujets à l’ordre du jour.

Le poids des marchés du digital à horizon 2025 selon l’IDATE

Notons encore quelques points qui m’ont semblé importants au cours de ma lecture rapide de ce document :

  • D’une part  le relatif équilibre entre le marché digital global (nuance importante) entre l’Europe et l’Amérique du Nord et l’Asie. En termes de poids et du nombre d’habitants, seule la comparaison entre l’Amérique du Nord et l’Europe vaut quelque chose. En ceci on voit que l’Europe se hisse à peu près à la hauteur de l’Amérique du Nord. Ce chiffre est certainement très nettement amélioré par le fait qu’on amalgame l’ensemble des activités digitales, notamment celle des télécoms. Le marché IT étant en général très déséquilibré en faveur des États-Unis qui représentent environ la moitié du chiffre mondial à eux tous seuls, avec une relative stabilité depuis des années.

IDATE : le marché digital par région

  • Deuxièmement, pour revenir ce que je disais plus haut sur l’impacts des OTT sur les télécoms, noter ce comparatif très intéressant entre les marchés mondiaux des différents domaines du digital. Les prévisions de l’IDATE à horizon 2025 montrent un scénario largement en faveur des contenus payants pour les autorités et les applications. Avec près d’un quart du chiffre d’affaires attendue dans la vidéo à la demande, et un volume non négligeable autour des applications payantes (27 %).

Idate le marché de l'iNternet 2025

  • Enfin, sur l’évolution des marchés globaux du digital à horizon 2015, les dates restent très optimistes quant à la croissance annuelle ce marché jusque 2015 avec une forte poussée des services Internet (ce que nous avons décrit précédemment à horizon 2025) qui vont à terme avoir tendance à se rapprocher des mêmes volumes que les services télécoms et des services d’infrastructure IT.  En d’autres termes, l’Internet entre dans sa phase de maturité et avance vers un état  comparable à celui des marchés beaucoup plus mûrs comme ceux des télécom et de l’IT. Ceci ne va pas sans quelques défis et changements de philosophie autour de l’Internet et notamment de l’Internet ouvert, de plus en plus en contradiction avec un monde fermé qui cherche à se monétiser à tout prix. L’avenir nous dira si le futur est à la cohabitation de deux mondes incomparables (le monde de l’Internet ouvert issu de la culture hippie des années 60 et le monde de l’Internet fermé utilisable à visées hégémoniques) ou à la disparition ou marginalisation d’un de ces mondes. La question semble idiote mais force est de constater que l’Intenet vit toujours Avec cette contradiction. La tentation de créer un deuxième Internet étanche et protégé pour favoriser son développement économique est forté surtout Avec l’avènement de nouveaux acteurs sur la scène politique dont certains ne s’embarrassent pas de scrupules. Les enjeux autour de la Net neutralité, inaudible aux oreilles du grand public aujourd’hui, sont pourtant au centre de ces prévisions et du futur de la liberté d’entreprendre et aussi de la liberté d’expression.

Nous ne sommes pas à la fin de nos surprises et l’incertitude qui plane autour des télécoms malgré une certaine stabilité d’une part une relative sécurité autour des volumes mais une complexité autour des business modèles laisse à penser que beaucoup de choses sont encore possibles.

Idate : évolution des marchés du digital

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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