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Le digital transfigure aussi le monde du Luxe

Pour le béotien, le secteur du luxe est un domaine qui échappe au monde de l’Internet. Exclusif, volontairement mystérieux, il s’entoure d’artifices pour préserver ce sentiment d’exclusivité. Toutefois, le digital a également investi ce domaine autrefois interdit, et il n’y a pas de nombreuses ruptures, dans l’expérience client, plus que dans l’échange autour du produit. Afin de comprendre les enjeux de ce secteur, nous avons invité Alexandre de Sainte-Marie, auteur du livre récemment paru aux éditions Dunod « Luxe et Marque » (identité, stratégie, perspectives).

Le luxe aussi est transformé par le digital

Digital et luxe
L’essor du digital touche aussi l’industrie du luxe

Alexandre a une formation marketing et travaillé pendant 12 ans chez L’Oréal puis Henkel France, puis 8 années en tant que Directeur général chez Hermès où il a internationalisé les activités de la marque. Il est désormais chez Datawords où il dirige une practice qui s’appelle multicultural consulting services, et qui consiste à proposer des interventions de conseils centrées sur les questions de e-multiculturalisme, dans le but de déployer des stratégies digitales de marques à l’international. Voyons donc maintenant avec lui les bouleversements que le digital imprime également à ce domaine exclusif du luxe.

Parlons justement du luxe et du digital et des impacts du digital dans l’industrie du luxe. A l’origine ce n’est pas une évidence vu qu’Internet, c’est « cheap ».

luxe-et-marque
Luxe et marque

Internet est transparent, c’est le lieu des bonnes affaires. Pour une marque de luxe, c’est accepter que plein de personnes différentes parlent de la marque. Les valeurs d’internet et les valeurs du luxe étaient très opposées et pendant un long moment, le luxe s’est tenu à l’écart d’internet. Il trouvait qu’internet était une menace, qu’il ne lui apportait pas beaucoup d’avantages. C’est récemment que les marques de luxe se sont tournées vers internet en se disant qu’internet devenait un outil indispensable, en particulier pour parler aux classes d’âge les plus jeunes et pour parler aux nouvelles clientèles du luxe. En Asie, les clients du luxe sont hyperconnectés, on parle de « millenials » qui passent leur temps sur les réseaux sociaux, à se renseigner sur les marques de luxe. Les marques de luxe ont donc compris l’intérêt d’être présentes sur Internet.

Cet esprit d’ouverture était un peu contraire à l’esprit de mystère qui règne dans cette industrie du luxe.

Le luxe c’est un tour de main, du savoir-faire, les personnalités très affirmées des directeurs artistiques ou des directeurs de création des maisons. C’est vrai que la transparence d’internet a pu faire peur à ces marques de luxe mais désormais elles n’hésitent plus et sont très nombreuses à diffuser leurs défilés en live par exemple.

Tout cela a changé avec le digital et les réseaux sociaux notamment. Mais si les marques se dirigent en masse vers la pub en ligne et l’E-réputation et surtout l’international : quel est l’importance du multiculturalisme dans l’industrie du luxe ?

Je crois que les marques de luxe, désormais, doivent accorder énormément d’attention à la manière dont elles s’expriment et la manière dont elles essayent d’être aussi locales que possible dans chacun des pays où elles ont soit une filiale de distribution, soit un agent distributeur, soit des boutiques. Nous avons assisté à une évolution très importante. Pendant très longtemps, jusqu’aux années 2005 environ, elles étaient internationales, c’est à dire qu’elles avaient un modèle d’origine, très souvent européen, pour ne pas dire français ou italien. Elles essayaient d’imposer ce modèle dans tous les pays où elles étaient présentes sans beaucoup d’adaptations. Aujourd’hui cette époque est révolue, la marque de luxe essaye d’être nord-américaine quand elle s’exprime depuis San Francisco, italienne quand elle s’exprime depuis Milan, et japonaise quand elle s’exprime depuis Tokyo. Il faut être très respectueux de son identité d’origine, très connaisseur de ses racines et de l’autre côté, être modeste quand nous parlons à l’internaute local et lui montrer que nous avons bien compris le contexte dans lequel il évolue, que nous connaissons les traditions, la culture, et la langue du pays. Elle doit aussi montrer qu’elle n’est pas là que pour l’argent mais aussi s’inscrire dans un contexte socio-culturel du pays dans lequel elle est présente.

L’internationalisation, ce n’est pas seulement changer d’accent ?

C’est plus complexe que cela. Ce n’est pas du travestissement, c’est vraiment une démarche d’humilité et une démarche dans laquelle on essaye de se rapprocher de ses différentes clientèles.

Qui parle luxe parle mécénat, culture ?

Les relations entre le luxe, l’art et la mode sont anciennes et très fécondes. Au cours de ses dernières années, nous avons vu beaucoup d’initiatives et la plupart des capitaines d’industrie du luxe comme la plupart des grandes marques du luxe, se sont investies dans des activités artistiques très importantes, soit en étant partenaires de grandes expositions, ou en ayant des collaborations avec des artistes ou en étant à la tête de fondation comme la fondation de Louis Vuitton, Hermès et Prada. Autant de fondations qui permettent un nouveau regard sur la marque, et qui enrichissent l’expérience de la marque, et de l’internaute.

Quel est le rôle du digital dans tout ça ?

La fondation n’est pas forcément le lieu d’expression privilégié du digital. Le digital joue un rôle car il permet un renouvellement et un enrichissement de l’expérience de la marque car nous sommes une seule personne. En tant que personne s’intéressant au luxe, quand je vais sur internet, j’ai l’opportunité d’avoir une expérience différente et complémentaire que celle que j’ai dans la vie réelle. Le digital joue un rôle majeur.

Il y a des exemples qui sont plus proches du digital avec notamment Burberry et ce qu’ils font autour du rock.

Burberry est un bon exemple de ce qu’est une question centrale pour les marques de luxe et leur avenir.  C’est à dire que d’un côté, il faut que les marques de luxe soient extrêmement respectueuses et connaisseuses de leurs identités, de leurs racines et de leurs valeurs d’origine. De l’autre côté, qu’elles sachent optimiser leurs expressions locales dans chacun des pays où elles sont présentes.

Burberry est typiquement une marque britannique liée à l’histoire de la royauté et à l’empire. Du coup, Burberry a très naturellement intégré le rock et a décidé de donner au rock une importance dans toutes ses initiatives digitales les plus récentes. Ils ont lancés un parfum et le digital était mis au cœur de la communication de ce parfum. Pour toutes leurs vidéos, films, pub réalisés, ils ont décidés d’accorder une place très importante aux jeunes formations britanniques de rock.

Une nouvelle société, mettons Visionary Marketing, voudrait se mettre comme marque de luxe. Est-ce que c’est possible et comme le ferions-nous ?

Je te conseillerais d’abord de ne pas être entièrement digital. Etre fort dans le digital c’est important mais aussi dans la vie réelle. Il faut continuer à aller voir ses clients, discuter, se manifester lors de meetings professionnels.

Il y a une formule qui résume cela : OFF to ON (OFFline to Online). Il y a l’idée de créer des synergies entre la vie d’une entreprise dans le digital et dans le monde réel.

Il y a un exemple US du nom de Warby Parker.

C’était une marque de lunettes, digital first. Récemment, elle s’est rendue compte de l’importance d’avoir des boutiques physiques et a décidé d’ouvrir une première boutique à New York, les fondateurs de Warby Parker ont dit : « ce n’est pas nous renier, mais c’est vraiment pour donner une expérience de marque la plus complète possible à nos acheteurs. »

Le web to store, on y  croit aussi beaucoup. Pourtant je me vois mal faire du click n collect sur du parfum car je dois le sentir, le toucher. Le web to store est différent dans le luxe.

Ce qui est important dans le luxe, c’est l’échange humain. Ce sont des produits importants : les prix de vente sont élevés, des décisions d’achats qui se prennent sur des critères assez subjectifs, intuitifs. Il faut se sentir en confiance et je pense que la confiance naît de la relation humaine en 1 to 1 avec l’ambassadeur de la marque et le lieu privilégié de cette relation humaine reste la boutique physique.

Et puis, si on a une boutique physique et qu’on veut améliorer la qualité ou l’innovation, on peut recourir au digital pour faire autre chose que la vente de produit.

Qui dit boutique physique ne dit pas qu’on se ferme au digital. On peut digitaliser le point de vente, c’est à dire enrichir l’expérience de la marque dans le point de vente en ayant recours à des effets spéciaux, des écrans géants, des tablettes, des vitrines interactives… Plein d’outils du digital qui vont permettre de renforcer l’intérêt pour l’expérience de la marque de luxe dans la boutique physique.

On voit une grande latitude pour inventer l’avenir mais par contre aussi quelques limitations au niveau de la co-création par exemple.

Je ne pense pas que le phénomène de co-création ait une grande influence sur le luxe, le luxe ce sont des univers, des industries qui répondent à un marketing de l’offre et pour lequel le rôle du directeur artistique ou de la création est important. Je vois mal, à l’avenir, les marques de luxe raisonner en matière de co-création. Cependant, il y a une tendance qui se développe très vite : la personnalisation (rajouter des initiales etc.)

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Andy Malunda

Andy est Assistant Web Marketing chez Visionary Marketing. Ses missions incluent la rédaction d'articles et la réalisation de vidéos pour le compte de Visionary Marketing.
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