Content Marketing

Les blogs d’entreprise sont-ils, encore une fois, morts ?

Les blogs d’entreprise sont-ils (à nouveau) morts ? Décidément ils n’en finissent pas de mourir, ça en devient presque lassant. Mes confrères membres de Media Aces posent – dans leur débat du lundi – la question de l’avenir des blogs, et apportent des réponses variées à ce sujet. La mort des blogs – surtout des blogs d’entreprise – a déjà été annoncée il y a longtemps et à plusieurs reprises alors que, paradoxalement, le « content marketing » (alias Brand Content en ‘Français’) a acquis ses lettres de noblesse. Voici donc, au risque de me tromper, ma réponse contradictoire.

Les blogs d’entreprise sont-ils (à nouveau) morts ?

Les blogs d'entreprise sont-ils (à nouveau) morts ? Illustration du contraire avec les 5 minutes du professeur Audenard (voir la vidéo ci-dessous
Les blogs d’entreprise sont-ils (à nouveau) morts ? Illustration du contraire avec les 5 minutes du professeur Audenard (voir la vidéo ci-dessous

Question numéro 1 : parallèlement à la montée en puissance des médias sociaux, le blogging se professionnaliserait. Quelles conséquences pour les entreprises ?

Comme cela est arrivé déjà aux États-Unis il y a plusieurs années, les blogs se sont professionnalisés sous l’effet d’une triple poussée.

D’une part, l’arrivée des journalistes des médias traditionnels sur les nouveaux supports, de gré ou de force. Il est faux de dire que les journaux ont nié l’existence Internet. Ils ont même été parmi les premiers à se lancer dans la fin des années 90. Mais ils n’y ont pas trouvé les modèles économiques nécessaires à leur développement, et ont été déçus par la capacité de générer des revenus suffisants au travers du modèle publicitaire traditionnel. Certains groupes journalistiques comprennent mieux que d’autres l’importance de l’Internet, et arrivent à s’adapter voire créer de véritables empires électroniques ; c’est le cas du groupe Le Figaro (cf. Soft Power du 27 novembre 2011, France Culture), qui a même su redonner vie aux bonnes vieilles annonces classées sur Internet. Tout ceci fait que le domaine du blog, notamment sur les sujets high-tech mais aussi sur les sujets politiques et de culture, sont très nettement investis par les journalistes traditionnels et professionnels.

Deuxièmement, on assiste à une professionnalisation, ou à tout le moins un plus grand professionnalisme de certains blogueurs, dont certains n’hésitent pas à créer des sources de revenus – les élus ne sont pas nombreux – qui peuvent parfois être un bon complément de salaire. Comme souvent sur Internet, c’est la loi de Zipf qui l’emporte, avec une starification des premiers, ce qui déclenche inévitablement des comportements déviants de la part de certaines entreprises et agences de RP qui n’hésitent pas à payer les blogueurs pour dire du bien de leurs produits, en toute illégalité (rappel des bonnes pratiques : http://media-aces.org/transparence).

Troisièmement, la prise en main du monde numérique par les professionnels eux-mêmes : analystes, consultants et dans une moindre mesure, entreprises elles-mêmes.

Après une période au début de l’année 2008, où l’on a annoncé prématurément la mort des blogs, force est de constater, à l’inverse, une professionnalisation de ce paysage avec un phénomène triple que l’on pourrait décrire de la manière suivante :

  1. Un fort renouvellement des blogueurs, dont on pourrait dire que nous en sommes déjà à la quatrième ou cinquième génération depuis 2004. Il n’est pas rare que les anciens blogueurs abandonnent leur support (souvent à la faveur de la découverte d’un nouveau travail par exemple), ou que, un peu fatigués du travail requis par la maintenance d’un blog, ils décident de se rabattre sur un outil moins exigeant comme Twitter, en ne faisant plus que de la veille et du relais d’information, sans oublier ceux qui se sont réfugié dans la simple compilation (rebaptisée « curation ») de contenus;
  2. Pour éviter l’effet de lassitude décrit ci-dessus, on assiste à la constitution de blogs, notamment pour les plus populaires, autour d’équipes multiples, ce qu’on appelle aux États-Unis du « guest blogging » (Presse Citron, Mycommunitymanager,…);
  3. Un accroissement de la difficulté à entrer dans les classements de blogs (wikio en France, Technorati à l’international) du fait de la forte concurrence. La quasi-totalité des blogs faisant moins de 10 visiteurs par jour, il y a beaucoup de candidats et peu d’élus.

En conséquence de quoi, la concurrence est très vive sur ce marché, ce qui n’est pas étonnant, car le blog est un moyen très prisé de préempter une catégorie. C’est une technologie très dynamique, qui permet un référencement hyper rapide (mon blog Visionary.wordpress.com par exemple, se référence en moins de 15 minutes sur Google France, et chaque article passe quasi instantanément dans Google actualités). Les places sont chères aujourd’hui cependant et il est donc de plus en plus difficile de se positionner, notamment sur les catégories les plus prisées. Le classement de wikio/e-buzzing sur les blogs high-tech comporte environ 2000 blogs parmi les plus populaires, il est difficile de trouver une place parmi eux ; même et surtout pour un professionnel. Le travail pour un blog de marque est en effet encore plus difficile que pour un individu. Il faut d’abord prouver que la marque n’est pas en train de vendre ses produits, qu’elle est sur Internet, au contraire, pour apporter un service, une information, un lien « qui importe plus que le bien » (cf. Bernard Cova).

Dans le cas où vous cherchez à positionner un nouveau blog à l’international et en anglais, la tâche n’en sera que plus difficile. La concurrence y est encore plus rudeet vient du monde entier, avec un avantage concurrentiel non négligeable aux pays où l’Anglais est la langue maternelle (pour s’en rendre compte, voyez le classement http://adage.com/power150/ pour les blogs de marketing).

En conséquence de tout cela aussi, le rythme de mise à jour des blogs s’accentue de façon considérable. Alors qu’en 2008 10 articles par mois étaient nécessaires pour faire vivre un blog correctement, je considérerais en 2011 qu’à moins de 20 ou 30 articles mensuels, vous n’existez pas ! Les systèmes de notation comme Klout (http://klout.com) par exemple accentuent encore ce phénomène, en pénalisant les utilisateurs, notamment ceux du B2B, qui relâchent leurs efforts notamment pendant le week-end et les vacances.

Question numéro 2 : Les médias sociaux et les blogs d’entreprise constituent-ils une opportunité en B2B ?

Malgré l’accroissement des difficultés citées dans l’article précédent [les blogs d’entreprise sont-ils (à nouveau) morts ?], les blogs reste incontournables, notamment dans le domaine business-to-business afin de dynamiser la présence de la marque sur Internet. Ils fournissent une incomparable dynamique de référencement et de rafraîchissement des contenus, permettent l’émulation dans les équipes (au travers de l’UGC) et l’amélioration du travail sur le terrain (notamment pour les populations de consultants, le blog est un outil de publication quasi indispensable). Ils permettent également de sortir des discours ampoulés et standardisés, d’apporter du rythme dans les contenus de marque et de redonner de la vie au site Web. Ceci me fait dire, qu’au-delà d’un travail circulaire autour des médias sociaux, le véritable avenir des médias sociaux en entreprise est la socialisation des sites Corporate et e-business, plus que la maintenance artificielle d’un cyber babillage plus ou moins utile sur des plates-formes sociales très grand public. Le blog d’entreprise, notamment en B2B, où la notion d’expertise est véritablement très importante, permet de remplir le rôle de catalyseur pour une politique de contenus de marque afin de préempter une catégorie.

C’est même la base du marketing en B2B : dans ce domaine, il faut prouver qu’on est le meilleur, avec des arguments techniques et rationnels, non par de la publicité affective.

Le marketing business-to-business étant essentiellement affaire d’écosystème, je continue à penser que les blogs et les médias sociaux ont un rôle particulier à jouer dans ce domaine. Cependant, et la crise va nous le rappeler tout au long de 2012, faire des médias sociaux ou des blogs, de façon déconnectée du business ou sans objectif professionnel réel, n’a aucun sens. Et comme le moment des économies va bientôt arriver, les activités qui ne pourront justifier d’une utilité proche du terrain, ou d’une utilité en termes d’économies, ne pourront aller plus loin.

Il est donc indispensable de commencer, si ce n’est déjà fait depuis longtemps, à mesurer son activité dans les médias sociaux et dans les blogs au travers de son utilité commerciale et/ou para-commerciale. Une bonne idée, que j’ai initiée il y a déjà quelques années et que je conseille systématiquement est de mesurer l’impact de la génération de contenus via les blogs et le contenu généré par les utilisateurs en termes d’économie sur la production de contenu acheté à l’extérieur. Les résultats et les chiffres sont souvent spectaculaires !

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

Un commentaire

  1. Une vision intéressante ! Effectivement, je vous rejoins sur le fait que c’est un secteur qui se professionnalise. La concurrence est de plus en plus forte, c’est vrai. Néanmoins, la difficulté en France reste très inférieure à ce que l’on peut connaitre outre atlantique. De nombreuses niches restent très ouvertes. J’ai hâte de voir vos prochains articles, car en ce qui me concerne, je ne pense absolument pas que les blogs d’entreprise soient morts… Bien loin de là ! ^^

  2. Excellent article. A titre perso, je suis un blogueur depuis 2005, et je partage ta vision des générations, et de ceux qui ont tendance à s’essouffler, et à se tourner vers d’autres supports. 20 à 30 articles / mois sont en effet devenus la norme, tant la fraicheur est un critère qui prime pour l’ami Google, ce qui oblige certains à repenser leur modèle de publication…

    1. merci de ton point de vue. La fréquence est en effet devenue diabolique. A tel point que je me demande si je ne vais pas volontairement ralentir !

  3. Comme vous l’avez mentionné, je crois que l’on assiste à une constitution de blogues, mais pas de la même façon dont vous le décrivez.

    Oui, certains sites tels que Presse Citron et autres prennent leur place sur le web. Sauf que, je crois qu’un nouveau concept également fait émergence. Il s’agit de créer un blogue (ou site web d’articles d’information) réunissant, par exemple, les 5 ou 10 meilleurs auteurs (rédacteurs) de votre secteur d’activité. Un très bon exemple ici serait le site : lesaffaires.com.

    Également, je dois exprimer mon désaccord par rapport au fait qu’un blogue se doit d’écrire 20 ou 30 articles mensuellement pour prendre sa place. Je crois qu’un site publiant 1 post par semaine, si celui propose des informations pratiques, utiles ou vivement intéressantes se détachera du lôt et se fera rapidement remarquer dans la blogosphère et sur le web en général.

    Il y a tellement de contenus créés chaque jour, comment peut-on encore croire au fait que la quantité règne sur la qualité ?

    1. Bonjour et merci de votre commentaire. Oui, les blogs à plusieurs mains sont très à la mode. J’ai pratiqué cette méthode de nombreuses années (et la pratique encore dans le cadre de l’entreprise et associatif avec Media Aces http://media-aces.org ), mais je tends à limiter cette pratique sur ce blog désormais, afin en préserver la ligne éditoriale. Chris Brogan a aussi écrit sur ce sujet. Presse Citron est lui aussi devenu un blog à plusieurs mains même s’il est porté par son fondateur. C’est d’ailleurs devenu un média à part entière.

      Quant à ma remarque sur le nombre d’articles, je pense qu’il y a mauvaise interprétation. Je ne pense pas que cela soit bon non plus, c’est juste un constat que la barre monte de plus en plus haut. Le nouvel algorithme Penguin de Google a également tendance à déréférencer complètement les articles dupliqués. Cette tendance n’est pas nouvelle en soi mais s’est accrûe nettement ces dernières semaines. Cela aura/et a déjà un impact considérable.

      1. En effet je suis d’accord, mais je ne comprends pas vraiment le lien avec la mise à jour Penguin si l’on parle de création de contenu unique. Bref, simplement mon « 2 cents » sur le sujet. 🙂

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