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Étude de marché : méthode du questionnaire en 12 points

Elaborer un questionnaire pour mener une étude de marché nécessite que l’on suive quelques règles, de façon à éviter les biais classiques qui sont générés par une insuffisance méthodologique.  J’ai déjà, dans un chapitre précédent, traité des 22 biais possibles dans un questionnaire, mais il manquait encore la check-list, un outil simple et facile d’accès qui va vous permettre de construire votre questionnaire. La voici donc, en 12 points, cette méthode éprouvée, que je remets à jour régulièrement depuis quelques décennies, et qui est toujours applicable.

Ce que je désire livrer ici est une simple liste de contrôle, un fil rouge véritablement utile pour la conduite d’une étude de marché. La plupart du temps, ces principes simples -terre-à-terre – sont laissés de côté.

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Etape 1 : Objectifs

  • Décrivez les objectifs de votre étude de marché en quelques points. Evitez d’accumuler les objectifs. 2 à 3 points principaux sont un maximum pour une bonne enquête.  Bien que cela puisse sembler un peu restrictif, il est très probable que vos interviewés ne soient pas capables d’en supporter beaucoup plus (avec l’exception des enquêtes très spécialisées du domaine « business-to-business », et encore…) ;
  • Omettre de décrire votre objectif vous fera perdre de vue le but premier de votre étude de marché et les conséquences sur votre questionnaire en termes de longueur, de justesse et d’ordre d’apparition des questions seront fâcheuses.

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Etape 2 : Population

  • Définir la population totale de votre étude de marché ;
  • Faites correspondre cette définition avec l’objectif établi lors de l’étape 1, c’est-à-dire, que celui-ci ne doit être ni trop large ni trop étroit ;
  • Un biais fréquent consiste à interviewer un échantillon non pertinent à l’intérieur d’une enquête et de le mélanger au reste, noyant ainsi les résultats et faisant perdre de la pertinence à votre étude de marché. Il faut au contraire filtrer les personnes non-pertinentes dès le départ et éviter de les mélanger au reste de la population.

Etape 3 : Pré-enquête

  • Attention, une pré-enquête n’est pas un pré-test !
  • Il ne faut jamais la négliger,  or il n’est pas rare que pour gagner du temps on passe allègrement cette étape. C’est une erreur, qui coûtera cher, soit car vous devrez refaire l’enquête, soit du fait de résultats seront peu lisibles ;
  • Mener la pré-enquête sur quelques individus concernés par votre étude de marché, ceci vous permettra d’établir des hypothèses. Personnellement, j’aime bien démarrer une étude quanti par un quali sur 10-12 personnes (la courbe d’expérience est à 12) ce qui me permet de poser de bonnes hypothèses de travail que je vais ensuite quantifier. C’est un peu scolaire, mais tellement logique … ;
  • Eviter les préjugés (les vôtres ou ceux de vos clients) qui pourraient induire des conclusions hâtives avant même le début de l’enquête. Toute conclusion préliminaire est une hypothèse et toute hypothèse doit être vérifiée sur le terrain. Les surprises sont souvent nombreuses.

Etape 4 : Hypothèses

  • Une fois identifiées, ces hypothèses vont vous servir de base pour votre étude de marché ;
  • Formuler clairement les points (en fonction de l’étape 1), que vous désirez confirmer, clarifier, voire même infirmer,
  • Ne pas filtrer ces hypothèses selon vos préjugés personnels, c’est-à-dire, éviter les attitudes du genre « Je n’ai pas besoin de vérifier ce point car je pense que,… » à moins que vous ayez déjà en votre possession des faits sur le phénomène concerné.

Etape 5 : Rédaction des Questions

  • Rédiger les Questions de façon …Compréhensible, non tendancieuse, non suggestives
  • N’impliquant pas des réflexions de défense de la part des interviewés
  • En évitant les circonlocutions et les répétitions qui risquent d’engendrer de la lassitude de la part de l’interviewé.

Etape 6 : Type de Questionnaire

Il est certain que depuis au-moins 13 ans je ne fais plus grand-chose d’autre que des questionnaires en ligne, ce qui est un peu normal du fait de mes responsabilités durant cette période.  Il n’empêche que le questionnaire par enquêteur existe encore et a une utilité certaine lorsqu’il faut aller chercher le répondant sur un lieu précis (comme un salon par exemple) ce qui va de ce fait être très économique. Le questionnaire par téléphone est aussi en vogue, notamment en quali, comme cela a été le cas avec l’enquête en cours avec Ipsos sur les boss qui tweetent dans le cadre de la prochaine conf. Media Aces (en partenariat exclusif avec les Echos). Bref, si Internet a pris une place considérable, que ce soit en questionnaire en ligne sur site, ou en direct  (ex : sondages polltogo) ou via des access panels ciblés, d’autres formes de sondage existent qu’il ne faut pas négliger.

Rappelons aussi l’actualité du face  à face en qualitatif, nous y reviendrons plus tard. Le Fax peut quant à lui être abandonné, sauf exception exceptionnelle.

Etape 7 : adaptation du questionnaire au pré-test

Le pré-test c’est une étape IN DIS PEN SABLE ! Même en le mettant en gras et en capitales, j’en connais qui en profiteront pour passer au point suivant. Mon conseil d’ami est de commencer par se mettre soi-même dans les conditions de l’enquêté. Cela est un bon exercice d’empathie et permet de corriger 80% des erreurs évidentes de biais, de logique (branchements de questions) et de formulation. Ensuite, il faut trouver une dizaine de répondants autour de vous (moins si le questionnaire est très simple) et les mettre dans une situation d’enquête. La plupart du temps, les pré-testeurs sont ravis de se prêter à ce jeu-là alors il ne faut pas s’en priver.

Ma check-list  essentielle pour cette étape :

  • Adapter les questions en fonction du Pré-test ;
  • Modifier la place des questions en fonction du pré-test ;
  • Supprimer les questions inutiles ;
  • réintégrer les questions oubliées ;
  • Si des cartes (ou des images en lignes) doivent être montrées aux interviewés, s’assurer que leur contenu est cohérent à celui trouvé dans le questionnaire ;
  • Pré-tester sur des individus significatifs de la population, cela vous permettra aussi de critiquer le questionnaire sur le fond.

Etape 7 : Echantillonnage

  • Déterminer l’échantillon représentatif ;
  • Donner une taille suffisante à l’échantillon (des méthodes de mesure des pourcentages d’erreur peuvent être utilisées) ;
  • Attention ! un questionnaire biaisé sur un échantillon large est moins intéressant qu’un questionnaire neutre appliqué sur 150 personnes. Le seul critère de la taille et de la représentativité de l’échantillon ne suffit pas ; mais c’est un point de passage obligé.

Etape 8 : Qualité de l’administration

  • Administrer les questions de façon neutre (relations enquêteur/enquêté) .  C’est-à-dire en empêchant les enquêteurs / ou les formulations des phrases en auto-administré n’introduisent des biais
  • Cela implique que les enquêteurs soient formés ou qu’ils soient choisis dans un pool de « professionnels ».  Dans tous les cas, une séance de débriefing, claire, précise et exhaustive doit avoir lieu ;
  • Prévoir les modalités de réexpédition s’il s’agit d’un questionnaire auto-administré ; les outils en ligne permettent les relances des non répondants.

Etape 9 : Non réponses

  • Tenir compte des non réponses (taux de réponses).  Ne pas les considérer comme non importantes.  Elles sont un bon indicateur de la qualité de votre questionnaire (en autres choses, notamment si vous avez promis un beau cadeau aux répondants !) ;
  • Il est des cas où les non réponses sont au contraire très importantes. Prenons un cas récent où j’invitais une population interne de 250 top managers dans une entreprise. Un peu moins de 200 réponses furent obtenues après 2 relances. En conséquence nous avons lancé une relance téléphonique avec un semi quanti afin de comprendre pourquoi nous n’avons pas eu assez de réponses : les non réponses sont à l’évidence le signe d’un manque d’intérêt porté au sujet de la conférence. Il faut donc creuser pour savoir pourquoi, ce qui est une indication plus précieuse que les simples avis de la minorité qui s’est exprimée.

Etape 10 : Interprétation

  • Les chiffres ne veulent rien dire tant qu’on ne les a pas croisés, analysés, remis en cause et … critiqués ;
  • Il n’est pas rare de devoir pousser plus loin l’analyse en complétant son étude au fur et à mesure. Le meilleur dispositif étant l’étude en continu, notamment sur les sites Web. J’ai mené ce genre de benchmarks de sites, avec des instituts, on par moi-même, pendant de nombreuses années et à de nombreuses reprises. Il existe des limitations et des critiques importantes, mais il faut insister sur l’importance de ces benchmarks pour se confronter au terrain et s’améliorer.

Etape 11 : Analyse

  • Analyser complètement les réponses (éviter l’analyse sommaire)  ;
  • Si le questionnaire le permet, et que l’échantillon est assez grand, livrez-vous à des analyses croisées, souvent riches d’enseignement (croisement entre les réponses à la question X et Y) ;
  • Les études mal faites multiplient les objectifs et les questions posées, en provoquant les réponses redondantes et donc biaisées. Les bonnes études restent courtes, leurs questions sont pesées méticuleusement et neutres, et la richesse du questionnaire vient de son analyse et notamment des analyses croisées. Remplir des feuilles de question peut éventuellement vous rassurer et rassurer votre client, mais c’est une mauvaise approche ;
  • Ne pas extrapoler sur la population entière de façon abusive.

Etape 12 : Rapport

  • Commencer son rapport par la note de synthèse “résumé de direction” ;
  • Rédiger un rapport qui exploite de façon exhaustive les résultats, et placer cette analyse derrière le résumé de direction ;
  • Rédiger le rapport en évitant les conclusions tendancieuses, étayer ces conclusions par des chiffres et des analyses. Méfiez-vous notamment des jolies infographies qui permettent de manipuler les résultats ou faire passer des idées fausses ;
  • Minimiser les a priori, ne pas hésiter à poser des hypothèses à confirmer dans une étude ultérieure ;
  • Eviter les conclusions « politiquement correctes » qui font plaisir à tout le monde mais ne reflètent pas la réalité du produit/marché/des clients … ;
  • Mentionner les résultats bruts et les statistiques (les 2 sont utiles) ;

Un rappel utile : la qualité d’un questionnaire dépend d’abord de la qualité de sa formulation, mais aussi et surtout de tout un ensemble de facteurs humains, qui ne peuvent trouver de place dans une liste de contrôle. Il conviendra donc au marketeur soucieux de respect méthodologique, de rester vigilant sur la formulation orale et la tonalité associée aux questions dans le cas d’un face à face, et à la formulation écrite lorsqu’il s’agit d’un questionnaire auto-administré (cf. ma liste de biais possibles).

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »

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