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Marketing Communautaire : « Les marketeurs manquent cruellement d’imagination ! » – Bernard Cova

On ne présente plus Bernard Cova, auteur du livre fondateur du marketing tribal dans les années 90. Le voici à nouveau sur le radar des marketeurs qui n’ont pas peur de bousculer les idées reçues et qui sont prêts à faire face aux 5 états du marketing communautaire. Il s’est prêté au jeu de l’interview sur Skype en début octobre 2017 et nous a livré ses commentaires.

Le Marketing Communautaire : de marginal à mainstream

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Ce livre va clairement plus loin que le Néo Marketing de 1992 (revu en 2009). Les marques sont-elles devenues incontournables dans nos vies ?

Les marques se sont échappées du marché, elles vont au-delà du marché et elles se sont imbriquées dans notre vie. On peut regarder la vie des marques sans jamais s’intéresser au marketing ni à la vente de produits ou de services et c’est ce que je fais dans ces 200 pages : je regarde façon ethnographique.

Comment, par exemple, on ne peut plus nommer certaines choses sans utiliser des verbes de marque. On se sent obligés de dire qu’on va « skyper » ou « googler« , qu’on a ubérisé un secteur d’entreprise etc. Je montre aussi, sans jugement de valeur, comment se reconstruisent des communautés autour d’une passion pour les marques qui vont jusqu’à organiser des fêtes de la marque.

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Le 5 février à lieu la journée Nutella qui est maintenant organisée par Ferrero mais qui a été lancée par une consommatrice.  La journée Star Wars a lieu le 4 mai basé sur un jeu de mots (May the fourth be with you!). Tout cela montre la puissance imaginative des individus.

Cela nous rappelle « Les Choses » de Perec mais sous un tout autre jour.

Oui. Cela me rappelle aussi Baudrillard. Mais la nouveauté c’est que l’on est allé au-delà du matérialisme. Le travail a perdu son rôle identitaire. Les individus n’ont plus de poste de travail fixe, le travail est devenu liquide, comme disait Bauman de la société. L’individu recherche d’autres piliers pour construire son identité. La plupart du temps ces piliers il les trouve à l’extérieur du travail, dans les passions qui les animent. On va faire de l’escalade, de la plongée on est passionné d’opéra etc. C’est très intéressant ces passions, on peut les appeler des passions consommantes, parce que si on ne dépense pas d’argent, on ne peut pas les assouvir. La consommation est devenue quelque chose de central dans la vie des gens mais ce n’est pas la consommation de supermarché, c’est la consommation culturelle, sportive etc. qui fait consommer des sommes très importantes. Il y a même l’investissement dans l’entretien de son corps, l’entretien de soi-même. L’individu dépense des sommes colossales pour assouvir ses passions qui sont au centre son identité et cela devraient un phénomène culturel.

Marques iconiques, marques cultes et marketing communautaire

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Douglas Holt, un des plus grands professeurs de branding au niveau mondial explique que le succès d’une marque pour qu’elle devienne ce qu’il appelle une « marque iconique » repose sur un travail d’analyse culturel dans l’environnement d’un pays. Chipotle, la chaîne de restaurant mexicain bio aux USA a commencé à comprendre que les Américains arrivaient à une limite sur les fast-foods, mais pas simplement les Américains de San Francisco.

L’Américain moyen commence à se tourner vers quelque chose d’autre que le fast-food. Chipotle n’a pas seulement embrassé cette tendance, Chipotle a renforcé ce qu’on appelle une construction entre la marque et la tendance.

Pour devenir un référent culturel, Il faut pas lancer une marque sur le marché, il faut ancrer une marque sur une contre tendance et faire tout son possible pour aider la contre tendance à croître et à devenir la tendance.  Il faut apprendre à distinguer marques iconiques et marques cultes.

Il y a des marques qui ont un impact très fort sur une communauté et cela peut être une toute petite communauté ou une communauté plus large. Si on revient sur le branding culturel, le but est de faire d’une marque, une marque culte sur une contre tendance, mais qui grandit pour la faire devenir iconique. Or tout le danger des marques iconiques, c’est de régresser pour devenir une marque culte. Nous avons travaillé sur la marque Alfa Romeo. Quand on mentionne la marque, elle évoque les années 70, le cabriolet du lauréat avec Dustin Hoffman.

A cette époque, cette marque était dans tous les films. C’était vraiment la marque iconique des années 70-80. Pour maintes raisons et notamment un mauvais management de Fiat, elle a régressé pour ne devenir qu’une marque culte. Il y a encore des fans de la marque en Italie mais elle n’a plus le poids d’antan dans la société. Dans les films, une autre marque italienne, Ducati l’a remplacée, comme dans Matrix.

Le marketing communautaire n’est plus jugé « farfelu »

Le marketing tribal, sur lequel j’écrivais dans les années 90 était considéré comme quelque chose de farfelu à l’époque. Maintenant la tendance s’est inversée. Les communicants veulent tous sauter sur la mode. Ils disent « on va créer une communauté » puis « on va ouvrir une page Facebook » ou encore « on va mettre une plate-forme ou un forum » mais une communauté ne se décrète pas. La pratique n’est pas encore comprise. Il y a donc encore beaucoup de travail à faire sur le marketing communautaire. Dans le travail sur la communauté il y a cinq états :

  1. Le premier niveau c’est essayer de créer un business ou asseoir une marque par rapport à une communauté d’activités existantes. C’est le cas des courses Tough Mudder, dont la communauté préexistait à la marque.
  2. Le deuxième état c’est le slogan que je promeus depuis 20 ans, c’est offrir du lien plus que du bien. On peut citer les escape rooms où on se dirige en groupe par exemple.
  3. Le troisième niveau c’est celui où on facilite l’interaction, c’est-à-dire qu’il faut que les gens puissent raconter leur expérience, puisqu’on parle de marketing expérientiel. C’est un travail de replacement de contenu, créé par les clients, et à ce sujet, je trouve dramatique que les marketeurs manquent à ce point cruellement d’imagination !« 
  4. Le quatrième c’est de faciliter la collaboration, ce qui ne veut pas dire que le client veut faire partie d’une communauté mais qu’il veut pouvoir engager la conversation avec les marketeurs. Là encore, les marketeurs ne brillent pas par leur caractère participatif et cela génère de la frustration chez les clients qui auraient envie de participer à la création ou la re-création du produit.
  5. Le dernier état c’est que malgré tous ces éléments communautaires il ne faut pas oublier que les individus participent à des communautés pour faire partie d’un groupe mais aussi pour être reconnus dans cette communauté comme quelqu’un de spécifique. Les marketeurs intelligents n’hésiteront donc pas à « faciliter l’exhibition » de leurs clients et de mettre en avant leurs différences.

Au delà des modes, il y a beaucoup de travail à faire sur la culture des marketeurs et sur la compréhension du marketing communautaire, très loin des méthodes classiques de marketing, qui donnent une vue technocratique et mécaniste du marketing, depuis longtemps rejetée par les consommateurs, post-modernes, voire hyper-modernes, pour reprendre le terme de Lipovetsky.

Yann Gourvennec
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Yann Gourvennec

Yann Gourvennec created visionarymarketing.com in 1996. He is a speaker and author of 6 books. In 2014 he went from intrapreneur to entrepreneur, when he created his digital marketing agency. ———————————————————— Yann Gourvennec a créé visionarymarketing.com en 1996. Il est conférencier et auteur de 6 livres. En 2014, il est passé d'intrapreneur à entrepreneur en créant son agence de marketing numérique. More »
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